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Navigation
et Marine dans
l'antiquité
Tous
les peuples de l'antiquité ont un
passé riche d'art et d'histoire. Mais ce qui
appartint en propre aux seuls Phéniciens, ce
fut l'art de la navigation. Ils furent longtemps
les seuls marins de la Méditerranée.
Tout le monde sait que les Phéniciens, les
premiers, passèrent Gibraltar et s'en furent
au nord jusqu'à l'Irlande, au sud jusqu'au
Sénégal et peut-être plus
loin.
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Les
premiers découvreurs du monde
furent donc des marins - pirates ou marins
du commerce - termes en ces temps
synonymes, des marins qui osèrent
affronter la mer mouvante, enlisante,
formidable et surtout défier les
dieux.
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Les Phéniciens redoutaient, Baal, le
maître des éléments qu'ils
affrontaient chaque jour et ce culte était
brutal autant que solennel. Mais ils aimaient
Astarté qui incarnait pour eux les biens de
la vie, la joie du repos après la
tempête. Ils l'adoraient avec une
exubérance de matelots à
terre. Les
bateaux phéniciens étaient de grandes
barques pontées, aux flancs rebondis, munis
d'une quille. Sur leurs flancs s'étalaient
deux étages de rameurs et, quand le vent le
permettait, on s'aidait d'une voile. Les gravures
naïves nous montrent deux types principaux de
navires alors en usage : les navires de transport,
dits vaisseaux ronds, aux extrémités
rondes, marchant à la rame, le gouvernail
à l'arrière constitué par deux
godilles, un pont établi de bout, en bout
au-dessus des rameurs étant occupé
par les passagers ; les navires de guerre, marchant
à la rame et à la voile, l'avant
terminé par un éperon, étaient
munis d'un mat. Ces gravures de l'époque
nous montrent ces vaisseaux, sans perspective,
entourés de tous côtés de
poissons, étoiles de mer et crabes.
Les
Phéniciens n'ayant pas de boussole
apprirent à s'orienter sur
l'étoile polaire dans leurs voyages
de nuit. Le cas était rare. On
voyageait de préférence le
jour en suivant les côtes. Chaque
soir on jetait, l'ancre dans une rade ; ou
bien on tirait le navire sur le sable pour
camper à terre. On repartait
ensuite de pointe en pointe sans perdre la
terre de vue. C'est de cette façon
que fut explorée la
Méditerranée.
Les marchands phéniciens partaient
avec un chargement approprié aux
pays qu'ils allaient visiter.
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Une fois débarqués, ils
échangeaient leurs marchandises contre les
produits de la région, puis ils repartaient
plus loin recommencer leur opération. Ces
voyages étaient souvent très longs et
bien des négociants ne revoyaient Tyr qu'au
bout de plusieurs années.
Au profit du commerce ils ne dédaignaient
souvent pas de joindre celui de la piraterie. Ils
razziaient les villages barbares. D'autres fois ils
se contentaient d'attirer à leur bord des
femmes, curieuses d'objets de toilette et levaient
l'ancre au milieu des marchandages. Beaucoup de
légendes grecques où il est question
d'enlèvements cachent des actes de piraterie
phénicienne.
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Chaque
patron de bateau avait le plus grand souci
de tenir sa route secrète. Jamais
les Phéniciens ne divulguaient les
endroits où ils
commerçaient.
La crainte des concurrents allait chez eux
jusqu'à l'héroïsme, et
l'on vit des pilotes échouer leur
bateau plutôt que de laisser voir
où ils allaient.
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Les marchands de Phénicie agissaient
d'ordinaire chacun pour son compte, mais parfois
ils se groupèrent et formèrent de
véritables sociétés de
construction ou compagnies de navigation.
Les princes étrangers traitaient avec eux
pour édifier des monuments ou équiper
des flottes. C'est ainsi que le roi
Sennachérib fit venir de Phénicie des
ingénieurs et des matelots afin de
créer une flotte sur l'Euphrate et le Golfe
Persique. Salomon, avec le concours d'entrepreneurs
phéniciens, créa le port d'Eziongaber
sur la mer Rouge et lança ses navires
à la recherche du pays d'Ophir. De la mer
Rouge partirent aussi, pour le compte du Pharaon
Necao, les Phéniciens qui firent en trois
ans le tour complet de l'Afrique. Nous verrons
aussi le roi de Perse recourir aux
Phéniciens pour transporter ses troupes en
Grèce.
Ce dernier, Xerxès, aussi bien que les
Grecs, avait compris que le sort de la guerre
serait décidé sur mer. Par mer, en
effet, les Grecs pouvaient couper ses
communications avec l'Asie et tirer des îles
les renforts et les vivres nécessaires. Il
leva donc, dans ses provinces maritimes, une flotte
de 1200 navires à laquelle il semblait que
rien ne devait résister. Il laissa à
ces vaisseaux leurs rameurs nationaux, confia la
direction des manuvres aux marins
phéniciens tandis que les soldats Perses
constituaient les équipages de combat. Mais
cette flotte, composée
d'éléments disparates, n'avait pas
été exercée aux
évolutions en masse. Les Phéniciens
qui la commandaient étaient d'excellents
marins de commerce ; ils n'avaient pas eu
l'occasion de se former à la guerre
maritime.
En Grèce, au contraire, un homme
d'État clairvoyant, Thémistocle,
avait décidé les Athéniens
à construire une flotte de guerre, en
prévision d'une invasion nouvelle. "Sur
terre, disait-il, nous ne sommes pas en état
de résister, même à nos voisins
; au lieu qu'avec des forces maritimes nous
pourrions repousser les barbares et commander
à la Grèce". Thémistocle fit
alors consacrer les revenus publics à
construire 200 trières.
Jusqu'alors les Athéniens n'armaient
guère que des galères, galères
à 50 rames dites "pentécontores",
assez légères pour qu'il fût
possible de les tirer à terre chaque soir,
bateaux de côtes et non de haute mer. Au
contraire, la trière ou trirème
réunissait les deux conditions.
C'était un navire long terminé par
une pointe de métal, éperon fortement
assujetti à l'avant. Elle était
manuvrée par 150 rameurs,
disposés en trois étages de 25
rameurs sur chaque flan. Elle était munie en
outre de voiles carrées. Sa vitesse pouvait
atteindre 10 à 11 nuds à
l'heure. Ses formes élancées la
rendaient très facile à
manuvrer. Seule sa hauteur sur l'eau
était un danger en cas de tempête,
mais les Grecs ne naviguaient pas dans la mauvaise
saison.
La
trière comprenait environ 200 hommes
d'équipage, divisés en trois
catégories : rameurs, marins et soldats de
débarquement. Ces derniers étaient
postés à l'avant sur le pont et de
là criblaient de traits l'ennemi en
attendant le moment de l'abordage.
Les 200 trières d'Athènes furent
montées uniquement par des Athéniens,
car les rameurs se recrutèrent parmi les
citoyens de 4e classe qui ne servaient
pas dans l'armée, faute d'argent pour
s'équiper. Les équipages
étaient donc bien dans la main des
commandants de trières ou
"triérarques". Cette flotte exercée
aux manuvres d'ensemble avec la discipline
intelligente qui caractérisait les
Athéniens eut une puissance offensive
considérable. C'est à elle que
revient la gloire de la victoire de
Salamine.
Les
Grecs, pour protéger les familles des
Athéniens réfugiées à
Salamine, avaient mouillé leur flotte dans
le détroit qui sépare cette île
et la terre et qui n'a guère plus de 2000
mètres de large. Dans ce faible espace ils
pouvaient, malgré la proportion du nombre,
tenir tête à la flotte perse qui vint
les y chercher. Mais en voyant l'incendie
d'Athènes et la multitude des Perses, la
plupart des Grecs voulaient abandonner les navires
et courir à la défense de leurs
foyers. Thémistocle, qui sentait
Athènes et la Grèce perdues si l'on
se débandait et qui avait confiance dans sa
flotte, eut recours à une ruse pour les
forcer à combattre. Il fit avertir
secrètement Xerxès que les Grecs
allaient partir et que son intérêt
était de les cerner. Xerxès, toujours
prêt à croire aux trahisons, fit donc
cerner la flotte grecque. Ceux-ci combattirent en
désespérés et
remportèrent la victoire. Ils la durent
surtout à l'excellence des trières
athéniennes et à la tactique de
Thémistocle. Mettant à profit la
mobilité de sa flotte, il fit attaquer la
ligne perse sur les ailes. Les vaisseaux perses ne
pouvant, faute d'espace, fuir les coups
d'éperon des Athéniens, se
rapprochèrent les uns des autres,
s'entrechoquant, fracassant leurs rames. Dès
lors incapables de gouverner, ils furent facilement
détruits. Sur 500 navires engagés par
Xerxès, 250 furent coulés. A la fin,
ce tut un massacre où l'on assommait
à coups de rames les Perses.
"Si les Athéniens, dit Hérodote, par
crainte du péril qui les menaçait,
eussent abandonné leur pays ou si, restant
dans leur ville, ils se fussent soumis à
Xerxès, personne n'aurait tenté de
s'opposer au roi sur mer et la Grèce
eût été perdue".
Elle y gagna de devenir la reine des mers grecques
et la vraie capitale du monde Grec.
Trière
athénienne
Texte
: J. FÉREY-FANSHAWE.
Bulletin ACOMAR N° 28 du
1er janvier 1938
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